Petit dictionnaire des pires expressions du Rap jeu
15 février 2018
Martin Vachiery
La surproductivité des rappeurs actuels entraîne un vrai rapport de dépendance chez une partie du public. Comme tout junkie, l’auditeur vit alors dans l’espoir quasi quotidien d’avoir sa dose musicale. Comme tout dealer, le rappeur sait vendre son produit et fidéliser sa clientèle, quitte à utiliser un langage marketing douteux. Petit dictionnaire – non exhaustif – des pires formules du rap jeu.
« Vous êtes pas prêts »
Outre la faute évidente de syntaxe, cette expression est sans doute la pire forme de teasing qui soit. Partant du principe que l’auditeur / la ville / le pays / le monde ne serait, par définition, pas en mesure d’apprécier à sa juste valeur l’étendue de son génie musical, le rappeur ne lésine pas sur l’effet d’annonce pour parler d’un album / d’un son qui ne verra sans doute jamais le jour. Ce que Maskey appelle les rappeurs VPP.
Traduction : « J’ai tapé « studio enregistrement » dans Google, dès que je trouve un plan pas cher, j’écrirai un texte qui va bouleverser l’histoire du rap. »
« Ça arrive lourd »
Si l’hypothétique son / album est aussi lourd que l’artiste qui le défend, aucun doute, ça risque vraiment d’arriver lourd. Dans les faits, l’avancement du projet en est probablement à l’étape qui suit le teasing mettant en question nos capacités à “être prêt”. Le rappeur a probablement reçu quelques compositions suite à sa délicate annonce sur Facebook, il ne lui reste plus qu’à écrire, trouver un studio et enregistrer.
Traduction : « J’ai reçu des type beats gratuits, il ne me reste plus qu’à taper “combien de mesures dans un couplet” sur Google et je serai prêt (contrairement à vous). »
« Ça bouge pas »
Cette expression, prise dans son sens premier, a sans doute le mérite d’être la plus honnête de toute la liste.
Traduction : «Ça bouge pas. »
« Le projet est dans le four »
Cette formule fait partie de la longue liste du lexique gastronomique des rappeurs.
Problème : la plupart des projets « qui sont dans le four » restent généralement dans le frigo. A quelques exceptions près (oui c’est un vrai extrait d’article).
Traduction : « Je me suis embrouillé avec ma maison de disque mais je suis encore sous contrat, mon album est bloqué et ne sortira sans doute jamais. »
« Ah gars on est là hein »
Celle là est plutôt technique. Car cette formule a le mérite ne le laisser aucun doute sur l’embarras dans lequel se trouve votre interlocuteur.
Loin d’être « là hein », il préférerait assurément ne pas affronter votre question (par exemple : « Comment avance l’écriture de ton album ? »).
Le très sérieux et très référencé dico2rue (sic) livre une définition on ne peut plus clair de cette expression particulièrement appréciée par les Twittos : « Moyen de vesqui quand on assume pas une situation. »
Et parce qu’un bon tweet vaut parfois mieux qu’une longue analyse.
Traduction : « Je suis actuellement à la recherche d’un emploi. »
Les jaloux vont maigrir
Petit test pour savoir si vous avez encore le droit d’utiliser cette expression :
Êtes-vous Mokobé (du 113) ? Oui ? Non ?
Si vous avez répondu “Oui”, alors oui, vous avez le droit de l’utiliser.
Si vous avez répondu “Non”, alors non, nous n’avez pas le droit de l’utiliser.
Traduction : « Les jaloux risquent vraiment de maigrir quand on voit ce qui se prépare dans le four. »
Les choses se passent
Traduction : « Des choses se passent, certes, mais nous on n’a toujours rien vu. »
Vous avez encore rien vu
Traduction : « Sans doute parce que des choses se passent. »
« T’inquiète même pas »
Là généralement il faut s’inquiéter, justement.
Traduction : « Ah gars on est là hein… »
Photo d’illustration – Crédit: Youtube / Maskey