Saskia, le secret le mieux gardé de la pop francophone
10 avril 2019
Martin Vachiery
Quelques vidéos Instagram dévoilant ses talents de chanteuse et un (très) beau clip pour son premier “vrai” morceau, Saskia intrigue et fascine les plus observateurs de la scène pop – urbaine. Histoire d’en savoir plus sur la protégée de l’artiste-producteur Krisy (alias De La Fuentes), Martin Vachiery est parti à sa rencontre, pour la toute première interview de sa carrière.
Pour entrer dans l’univers de Saskia, il faut déjà s’immiscer dans l’univers de nos amis du LeJeune Club. La structure dynamique de Krisy s’occupe du développement d’artiste de la jeune chanteuse, et forcément on est toujours bien accueilli dans leur studio familial de Schaerbeek (nord de Bruxelles).
La discussion est plutôt cool, Saskia n’a pas l’air trop intimidée pour une première; et c’est l’un de ses traits de caractère. Un naturel et une décontraction dans le discours et la musique; un vrai vent de fraîcheur sur une scène R&B qui a parfois encore du mal à profiter des succès d’autres styles urbains plus populaires, comme le Rap.
Saskia nous parle de ses inspirations, de ses parents musiciens, elle évite les questions relous de journaliste et nous donne envie d’écouter son projet (qui arrivera avant l’été).
Martin: Promis après on discute de choses plus intéressantes, mais tu voudrais bien te présenter pour commencer ?
Saskia: Je viens de Bruxelles et j’ai toujours fait de la musique. Je joue du piano depuis l’âge de 6 ans. Au début je faisais essentiellement des covers, maintenant j’écris et je compose. Faire de la musique, dans une démarche professionnelle, ça a toujours été un rêve pour moi, et j’ai pu le concrétiser grâce à ma rencontre avec De La Fuentes (Krisy) il y a environ 1 an.
Comment est-ce qu’on passe d’artiste amateur à professionnel ?
A la base j’ai toujours été un peu isolée dans ma façon de faire de la musique, j’en faisais toute seule dans ma chambre sans me projeter dans une éventuelle carrière. C’est vraiment la rencontre avec des personnalités de l’industrie musicale qui m’ont permis d’envisager les choses différemment. Il faut savoir que je viens d’une famille de musiciens, et je les ai souvent vu galérer. J’avais donc une vision d’un monde difficile d’accès. Ma maman m’a toujours rappelé l’importance de suivre des études universitaires, ce que j’ai fait, voilà pourquoi le déclic est arrivé plus tard.
Quand on est dans une famille d’artistes, j’ai l’impression qu’il n’y a que deux voies: suivre le modèle familial ou s’en écarter complètement. Heureusement pour nous, tu as choisi la première option.
C’est vrai ! A la base je viens d’une famille qui évolue dans l’univers de la musique classique. Avec la maturité j’essaye d’apprécier le classique, parce que je détestais ça quand j’étais petite. Mais à la maison on écoutait aussi beaucoup de jazz, et ça m’a toujours plu.
Quand on est ado, j’imagine qu’on a aussi envie d’écouter autre chose que du classique, quels styles musicaux ont marqué ta jeunesse ?
J’écoutais beaucoup de R&B, de soul, de pop anglophone essentiellement. J’ai commencé à écouter du Rap français assez tard, plutôt à la fin de l’adolescence avec Booba. Puis à 20 ans, j’ai commencé à avoir un vrai kif pour la musique électronique.
Est-ce que tu es une digger de musique ?
J’ai bien aller nicher des sons, mais je me perds vite. Surtout sur YouTube. Et j’aime bien écouter les albums en entier généralement. Ce que je fais généralement: c’est que je prends tout un temps pour écouter beaucoup de projets, puis quand je commence à créer ma propre musique, j’arrête tout. Je n’écoute plus rien dans les moments de créations. Par exemple là au moment où je te parle, je n’écoute plus du tout de musique!
Mais comment tu fais pour te couper de musique ? C’est chaud quand même !
C’est une sorte de processus que je me suis imposé. M’inspirer, écouter, puis digérer tout ça, me couper de la musique et puis créer. Je veux éviter de me faire influencer.
Depuis plusieurs mois, beaucoup de gens me parlent de toi sur les réseaux, alors que tu n’as pas encore sorti de projet…. Comment Instagram a changé la vie des artistes ?
C’est le réseau numéro 1 pour les artistes. C’est une carte de visite. C’est devenu un moyen super efficace de montrer ce que tu fais et d’échanger avec ton public. Tout va plus vite.
Et pourtant tu as l’air de vouloir prendre le temps de sortir des sons propres, de pas trop te précipiter, c’est l’école Krisy ça ?
(Rires) Ici c’est la qualité qui prime ! On prend le temps de bien faire les choses. Par exemple l’EP qu’on prépare ensemble, j’ai commencé à travailler dessus il y a 2 ans. J’ai mis un peu de temps à trouver une méthode d’écriture, parce que j’ai très peu de références musicales en français. J’écoutais et je ne créais qu’en anglais. Alors avant d’oser montrer des choses au public, j’ai voulu m’entraîner.
Du coup ta première prise de parole c’est “Pause”, avec un très beau clip de Romain Habousha, c’est quand même pas mal pour débuter ! C’est rare d’arriver avec quelque chose d’aussi propre pour une première création…
J’ai été bien conseillée honnêtement, c’est surtout ça qui a joué. Et Romain, le réalisateur, c’est un ami de longue date; donc on s’est trouvé facilement. Il est super pro et il m’a bien dans des bonnes conditions, comme le label LeJeune. On voulait garder une forme d’authenticité mais bien travaillée.
Dans le morceau il y a une longue introduction, avant le drop (1 minute 41). Est-ce que c’est une façon de symboliser le temps que tu prends avant de proposer des choses au public, ou ma question est juste une analyse foireuse de journaliste ?
(Rires) Alors c’est chouette parce que le public va parfois pousser encore plus loin l’interprétation d’un morceau. Je trouve ça intéressant. Dans ce cas-ci, c’était voulu musicalement mais pas en terme de symbolique ou de message.
L’originalité du morceau, c’est qu’on s’attend au début à une balade un peu triste, mais quand le beat démarre, on est dans une atmosphère beaucoup plus puissante et punchy. C’est intéressant d’offrir deux visages dès ton premier single.
On a conçu ce morceau comme une carte de visite. Un mélange de piano, par rapport à ma formation classique; puis une batterie bien trap derrière. C’est un morceau qui me ressemble bien.
C’est ta première interview, alors autant te préparer pour la suite. Tu vas découvrir la joie des comparaisons hasardeuses de journalistes forceurs ! T’es prête pour ça ?
(Rires) On m’a préparé pour ça oui !
Allez, on va faire un pari, je pense que tu vas avoir droit à des trucs du genre “un mélange de Jorja Smith et d’Angèle”…
Jorja Smith on me l’a déjà dit ! Et ça me fait plaisir parce que je m’inspire beaucoup de son univers artistique. Côté français je pense que j’aurai plutôt droit à des comparaisons genre Shym. Ce qui est ok aussi (Rires).
J’imagine que tu es déjà sollicitée par les maisons de disque ?
Heureusement j’ai une équipe qui filtre très bien. Ils s’occupent de tout l’aspect managérial, donc ça me permet de rester uniquement concentrée sur l’artistique et la création. Ça me protège en fait, c’est une chance incroyable. Si j’étais trop plongé dans le business ça m’obligerait à vouloir trouver une sorte de “recette” pour plaire, c’est mauvais pour la spontanéité et la créativité. Là avec l’équipe, on sait où on veut aller, sans s’imposer de calendrier.
Tu as déjà de l’expérience sur scène ?
En tant que choriste essentiellement ! On a fait quelques petites scènes avec un groupe il y a 3-4 ans, mais ça ma seule vraie expérience de scène. (Elle réfléchit) Ah non, en dernière année de secondaire j’avais fait un concert aussi, à la Fête de fin d’année (Rires) mais c’était une expérience horrible. Ma voix tremblait, c’était terrible. J’avais chanté “Empire State of Mind”, la partie d’Alicia Keys.
Incroyable ça ! Mais nul du coup malheureusement…
Non pas si nul en fait, mais on sentait beaucoup trop le stress !
Généralement on aime bien demander aux artistes ce qu’ils répètent le plus en promo, ou les questions les plus relous qu’ils entendent. Là c’est ta première interview, donc tu peux nous dire un truc que tu répéteras partout après !
(Elle réfléchit) En fait j’utilise tout le temps mon dictaphone pour composer. Là j’en suis à 756 mémos ! Y a tout dedans: la rythmique, le yaourt, des paroles… j’enregistre partout, même dans les métros. Souvent les gens me regardent bizarrement (Rires). Puis après je nomme chaque mémo pour m’y retrouver. C’est la clef: un dictaphone et un piano ! Ensuite c’est uniquement après avoir enregistré le morceau que je supprime les mémos. Parfois y’a des choses bizarres quand je me réécoute.
Pour écouter le premier projet de Saskia il faudra encore un peu patienter, n’espérez pas qu’on vous donne une date de sortie précise, c’est aussi ça l’École De La Fuentes. D’ici là, suivez la partout sur ses réseaux.
Crédits photo: Yaroslav Kurt