Lord Gasmique, la jeunesse en Mieux
6 mai 2019
Triple Sept
Avec sa voix particulière et l’armée de rappeurs belges qui lui ont ouvert la route, Lord Gasmique est l’un des grands espoirs du plat pays. On retrouve celui qui vient de sortir son premier projet (« Mieux »), un vendredi soir, dans une loge du Zenith de Paris qui affiche complet pour le concert de Roméo Elvis.
Le benjamin du rap belge va jouer ses morceaux en première partie devant les 6800 spectateurs présent pour la soirée. Loin du stress de monter sur scène, on a pu parler avec lui de la construction de son personnage et de sa vision de la musique.
On t’a déjà présenté au public de Check à l’été 2018, mais c’est toujours bien de nous rappeler qui tu es !
Très brièvement, Lord Gasmique, je viens de Bruxelles, j’fais du rap depuis 3-4 ans, on charbonne à fond là dedans.
T’as un blaze… particulier, à quel moment il est apparu ?
On me pose souvent cette question (rire), ce qui est normal, y’a tellement pas de fond. Au moment où je devais me trouver un blaze, j’me disais que si j’voulais avancer quelque part il me fallait un blaze cool, donc j’ai réfléchis. J’étais à fond dans le délire égotrip alors Lord c’est venu rapidement. Puis j’me suis dit que c’était trop sérieux et comme j’suis un mec rempli d’humour, j’me suis dit que j’allais rajouter Gasmique derrière. C’est très bête.
T’es en quelque sorte le benjamin du rap belge, le plus jeune de toute la génération qu’on a vu arriver de Bruxelles, t’as quel âge?
Là maintenant j’ai 20 ans.
Et comment tu t’es retrouvé au milieu de cette génération d’artistes, en étant si jeune ?
En vrai moi j’ai juste fait ce que j’aime faire. J’ai de la chance de pouvoir travailler avec les gens que j’ai écouté au début. J’aime bien ce terme de benjamin du rap jeu. Les tontons m’apprécient, moi je les apprécie, je prends leurs expérience. Y’a pas vraiment d’explication à ça, j’aurai pu avoir 30 ans.
Bruxelles c’est très petit, on se voit tous de loin, y’a toujours quelqu’un qui connait l’oncle, le cousin ou la tante de l’autre. Au début je sortais des freestyles sur Facebook, le premier gars du rap jeu à m’avoir capté c’est Roméo, il avait partagé le freestyle sur les réseaux et après de fil en aiguille j’ai commencé à capter tous les autres en studio, concerts etc..
Actuellement, tu es en es où dans la professionnalisation de ton rap ?
J’suis à 100% dans la musique, depuis un an et demi j’pense. J’estime que si tu veux te donner toutes les chances de réussir dans un projet, il faut t’y mettre à fond.
J’ai pas fini ma scolarité, de base c’était des circonstances de la vie, c’est pas le rap qui m’a fait arrêter, même si maintenant quand j’analyse toute la situation avec du recul, il est possible que le rap ait joué un rôle. Mais de base, c’était contre mon gré, à ce moment là j’avais plus que le rap, j’avais plus que ça à faire de mes journées. Donc je me suis dit que j’allais y aller à fond.
À quelle période de ta vie tu as commencé à écrire des textes ?
En 2015, quand j’étais ado, c’était très deuspi au début. J’avais des frangins qui commençaient à rapper et écrire, ils m’ont fait découvrir tout ce qui se faisait en Belgique et en France. Moi à l’époque j’écoutais plein de trucs mais pas de rap donc ils m’ont fait découvrir le truc, ils se sont mis à rapper donc j’me suis dit “j’vais suivre”. C’est quand j’ai découvert le rap que j’ai commencé à rapper en fait, c’est allé super vite.
T’as une voix super particulière, très grave, qui se reconnaît très facilement. J’voulais savoir si c’était ta voix qui t’avait mené à faire de la musique, ou si c’est la musique qui t’a fait travailler ta voix ?
J’pense c’est la musique qui m’a fait travailler ma voix. J’ai mué super tardivement, j’avais une voix super aigue. Dès que j’me suis mis à rapper y’a eu une exagération de ma voix grave qui s’est mis en premier plan, même inconsciemment. C’est un truc qui fait partie de mon identité. Je sais que c’est un critère qui me différencie donc j’me suis dit qu’il fallait le travailler ce truc là.
C’est un truc qui que tu travailles avec des professionnels ?
Nan pas du tout, c’est naturel, là tu vois j’ai une voix grave et quand je rap ça passe un palier, c’est totalement inconscient.
C’est un truc qui te plairait d’apprendre à la manier avec des professionnels ?
Ouais bien sûr, on est dans le rap et l’instrument principal c’est la voix, il faut pouvoir maîtriser sa voix et pouvoir l’emmener dans pleins d’univers différents.
Tu décris ton personnage comme étant sombre, démoniaque, personnellement ça t’apportes quoi de pouvoir évacuer un certain nombre de pensées dans tes textes ?
Une certaine liberté, y’a moins de restrictions. C’est un peu lâche d’utiliser un alter ego pour exprimer certaines choses, mais c’est un endroit où y’a pas de codes, ou de normes sociales, j’fais ce que je veux et ça parlera à qui aura les oreilles pour l’entendre
Et ce coté sombre c’est un truc qui dormait en toi ou ça fait partie de la création de ton personnage?
C’est un truc qui est là depuis, c’est un truc que j’arrivais pas à exprimer avant.
Aujourd’hui on se rencontre au Zenith de Paris, où tu assures la première partie de Roméo Elvis, comment tu le sens ?
Easy, sans stress, ça va être merveilleux
Y a combien de monde ce soir ? T’as déjà joué devant un public si important ?
Ils sont 6 800 je crois ! Grâce à Roméo toujours, y’a deux ans j’ai fait Dour sur la Last Arena avec Bruxelles Arrive y’avait pleins de belles têtes. J’ai eu la chance de jouer à 17h30, devait y avoir entre 10 000 et 15 000 personnes, après c’était particulier, c’était une ambiance de festival. Ce soir c’est ma plus grosse salle, c’est sold out quand même.
Pour toi dans la construction de ta musique, c’est important d’avoir un échange direct avec un public ?
Ouais à fond, si je dois prendre l’artiste de base, la représentation scénique c’est le goal, la concrétisation. C’est fort un concert, j’pense au mec qui a inventé le concert, on va prendre un artiste, on va le mettre sur une scène, on va mettre une salle et on va mettre des gens qui kiffent cet artiste là et ils vont partager un moment pendant 2 heures, c’est incroyable ! Moi c’est clairement pour ça que je fais du son.
On t’a vu dans le planète rap de Chocolat, tu m’en a déjà un peu parlé mais Roméo c’est quelqu’un qui a été important dans ton parcours ?
Roméo, c’est vraiment le grand reuf, c’est celui qui donne de la force à fond depuis le début, depuis 4 ans en vrai. C’est la première personne à m’avoir poussé, il m’a partagé son exposition. Il était dans le tieks, Uccle, tu connais absolument pas vu que t’es de Paris (rire) c’est une des communes du sud de Bx, et il travaillait là au Carrefour, et moi j’étais toujours dans le coin donc on se croisait souvent.
T’as quoi comme relation avec les Tontons belges ? Vous êtes dans le conseil ou plutôt dans la compétition, t’attends le dernier moment pour leur faire écouter des trucs dans le but de les choquer ou ils participent à ton processus de création ?
J’essaye de choquer personne à part moi même. Avant toute chose j’fais de la musique pour moi, pas pour faire plaisir à un tel. Moi j’fais mon truc et après ceux qui veulent partager cette sauce là avec moi, ils peuvent. Quand j’peux avoir l’avis d’un tonton ça fait plaisir, mais j’ai un rapport très personnel à la musique. Y’a que les gars qui sont là quand j’fais le truc qui sont au courant.
Personne ne détient la science infuse, ça serait mauvais de se mettre dans la position “ah merde Roméo il a pas validé le son” c’est un bête d’artiste mais ça reste une personne, la musique ça parle ou non aux gens, j’peux faire un son qui te déplait et un autre que tu vas surkiffer.
Au début du mois d’avril, t’as sorti ton projet “Mieux” où on retrouve une tracklist remplie de personnage qui vont de Chris Kyle, le célèbre sniper américain, à Cléopâtre, Anakin ou des personnages de The Wire, comment tu as construit ce projet ?
C’est un truc que j’ai construit au tout début quand on a commencé à bosser ce projet, fin 2016, début 2017. Je m’étais dit qu’il fallait que j’essaye de trouver une ligne de conduite, c’est plus des freestyles, il fallait que j’élabore un délire.
Avant d’attaquer ce projet, dans les freestyles que je sortais j’avais un rapport au titre très particulier, pour moi ça doit être drôle. Moi j’aime bien jouer avec les mots et j’me suis dit que mettre un nom d’un personnage ça crée déjà un lien avec le public. Et si t’écoute vraiment le son tu peux comprendre le titre. C’était un délire, il fallait une mini ligne de conduite.
C’est quoi ton but personnel sur ce projet ?
J’me mets pas de pression, de stress sur les chiffres on est 2019 il y a une pression constante autour du résultat. Moi j’ai fait mon bail, ça a pris 2 ans et demi, les gens qui étaient là au début et qui l’attendaient se le sont pris, ceux qui sont montés dans le train en cours de route l’ont pris, des gens qui me connaissaient pas l’ont pris. Moi c’est que du positif. Et ca fait un truc à écouter pour les gens qui vont me découvrir en première partie d’un concert. C’est ma carte de visite. On a entendu mon nom peut être un peu trop vite, là c’est bon prenez c’est mon cadeau vous en faites ce que vous voulez, moi je retourne travailler.
La cover c’est un souhait personnel ?
De base, on était juste en shooting, avec une photographe de Liège extrêmement forte, pour la promo. Y’avait cette lumière rose et ce petit cube, elle m’a demandé de me mettre là et je lui ai sorti le truc des yeux blancs, c’est un truc que je fais depuis que j’suis gosse, j’sais pas si tu vois Undertaker (le catcheur, ndla) mais il faisait ce truc.
Et quand j’ai vu la photo j’me suis dit “woah c’est trop lourd, ça va être la cover de mon projet ça, d’office !” Y’a pas de photo qui représentait mieux ce que j’avais dans la tête, tu vois le rose pour moi c’est une couleur audacieuse, faut savoir porter du rose, c’est une couleur qui est importante à la table des couleurs, ça représente le fait que j’suis allé dans plusieurs univers, qu’il y a des trucs violents mais d’autres beaucoup moins.
C’est un projet que tu vas défendre avec des clips ou tu veux passer à autre chose rapidement ?
Ah moi je suis déjà au charbon, j’ai eu tellement d’imprévu avec ce projet, il devait sortir bien avant, moi j’en ai un peu ma claque ça fait longtemps que je le traîne. Je pouvais plus trop faire de son donc j’vais le défendre mais je vais pas changer ma démarche, parce que j’pense qu’elle est bonne, ça fait seulement un petit temps que j’suis dans ce truc et ça se passe bien.
Crédits photos: Yaroslav Kurt