Les rappeurs à l’heure de la retraite
1 octobre 2018
Quand le rap explose au début des années 90, certains génies annoncent fièrement que ce n’est qu’un effet de mode qui ne durera pas. Près de 30 ans plus tard, ce genre musical est tout simplement le plus écouté en France, en Belgique et dans le monde (en gros). Mais alors que certains pionniers du rap vont bientôt atteindre la soixantaine et que de jeunes artistes comme MHD s’interrogent sur leur avenir; quid de l’après-carrière ? On a exploré pour vous les différents cas de figure.
« Dernier album ou peut-être pas, seul l’avenir nous le dira…” Ainsi s’achève William, le dernier morceau de Lithopédion, le nouvel album de Damso. Alors ? Partira, partira pas ? Face aux questions récurrentes des journalistes, le rappeur belge a répondu qu’il ne savait pas pour l’instant. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’après sa tournée, il va faire une longue pause, et qu’il refera un album uniquement s’il en ressent l’envie. Se tourner vers la production d’autres artistes est aussi une piste qu’il envisage. En attendant de connaître le choix définitif du rappeur belge, on vous a compilé différents chemins qu’ont emprunté ses prédécesseurs au moment de prendre leur retraite (ou non).
Ceux qui ont arrêté définitivement
Ils sont plusieurs à avoir annoncé qu’ils arrêtaient le rap de façon définitive et à avoir tenu parole, sans jamais revenir sur leur décision. Pour Fabe, l’ex-membre de la Scred Connexion, et Diam’s, qui détient encore à ce jour le titre de meilleure rappeuse de France, la raison est religieuse : les deux ont décidé de mettre un terme à leur carrière musicale afin de consacrer entièrement leur vie à l’islam.
Ce qu’ils ont fait après le rap ? Après la sortie de son dernier album La rage de dire en 2000, Befa est parti vivre au Québec pendant deux ans avant de revenir en France. En 2013, le premier rappeur clashé par Booba déclare, dans sa seule interview accordée depuis la fin de sa carrière, qu’il est désormais marié, père de famille et étudiant en études islamiques. De son côté, en 2012, peu après la sortie de son autobiographie, la première rappeuse à être clashée par Booba (décidément… faut-il y voir un lien ?) déclare vouloir mettre un terme à sa carrière en direct à la télé dans l’émission Sept à Huit. Depuis, elle qui dit « pouvoir vivre aisément avec ce qu’elle a gagné par le passé”, a lancé une marque d’articles de papeterie nommée “Mel By Mel”.
Salif, lui, après avoir construit l’une des plus belles carrières du rap français, mais sans jamais connaître de véritable succès commercial, décide, en 2010, après la sortie de son dernier album Qui m’aime me suive, d’arrêter le rap. Alors que face à l’absence de réelle déclaration, certains attendent encore désespérément un nouvel album de la part de l’ex-membre du groupe Nysay, des bruits de couloir disent qu’il se serait lui aussi tourné vers l’islam, et qu’il aurait ouvert un restaurant. On espère de tout cœur que ça lui a permis cette fois-ci de passer de la Clio 2 à la Clio 3.
https://www.youtube.com/watch?v=U5STSqR-o-k&t=387s
Ceux qui ont arrêté… mais en fait non
« J’arrête le rap dans sa forme définie dans cette pauvre France, mais je continue la musique dans son aspect général” déclare Disiz en 2009 sur son compte Myspace (pour les plus jeunes qui nous lisent, il s’agit de l’ancêtre de Facebook). Lassé de la direction caillera/bling-bling que prend le rap, suite à la sortie de l’album Disiz the end, il décide de se reconvertir dans le rock sous le pseudo de Peter Punk. Un échec commercial plus tard, il revient finalement au rap en 2012 avec l’EP Lucide, avant de sortir 4 nouveaux projets, dont l’album Pacifique l’année dernière.
Pour Kery James et Volts Face, l’amour pour le rap a été plus fort que tout : en effet, alors que l’ancien membre de la Mafia K’1 Fry décide d’arrêter le rap et de se tourner vers l’islam suite à l’assassinat de l’un de ses meilleurs amis Las Montana, 1 an après, en 2001, il revient finalement avec Si c’était à refaire, un album largement inspiré des textes du coran, et qui a la particularité de ne contenir aucun instrument à vent ou à cordes.
Volts face, lui, après avoir sorti son album Face à Volts en 2014, entame une pause durant laquelle il hésite à continuer à faire du rap, cette musique considérée par certains musulmans comme “l’instrument du diable”, ce qui lui pose un dilemme moral, lui qui est musulman pratiquant. Finalement, après avoir travaillé comme livreur de pizzas pendant 6 mois, il revient dans le rap avec la mixtape gratuite Avant Trafalgar.
Mon prochain son sera trés surement le dernier.
— Nadjib ✌🏻 (@voltsface) August 7, 2014
Ceux qui disent qu’ils vont arrêter, mais qui n’y arrivent pas
En 2014, suite à la sortie de l’Orgasmixtape, à chaque interview, Alkpote laisse planer le doute concernant une hypothétique fin de carrière. Résultat ? Depuis, l’aigle royal de Carthage n’a jamais été aussi productif : une mixtape, deux albums collaboratifs, et un album solo en 4 ans. Pas mal pour un mec qui voulait arrêter le rap à la base, non ?
Rohff, de son côté, a fait trembler la planète rap en septembre 2016 en annonçant que Surnaturel serait le dernier album de sa carrière. Deux ans après, l’album n’est toujours pas sorti, notamment à cause de ses problèmes avec la justice (pour rappel, il a pris 5 ans ferme dans l’affaire du passage à tabac du vendeur de la boutique Unküt), plusieurs morceaux ont été dévoilé sans que l’on sache s’il s’agit d’extraits de l’album ou d’inédits, et dans un live sur Facebook, il annonce que, finalement, Surnaturel ne sera probablement pas son dernier album. Bref, c’est le gros bordel. La bonne nouvelle dans tout ça ? C’est qu’on ne verra certainement pas le rappeur du 94 arrêter le rap de si tôt. Booba likes this.
https://www.youtube.com/watch?v=G29l_fcum0E
Ceux qui disent clairement que si ça ne paye plus, ils arrêteront le rap
« Si je grattais pas un euro, j’aurais déjà arrêté le peura” lâche Ninho dans son couplet chirurgical que l’on peut entendre sur Longue vie de Sofiane. Que ce soit dans ses morceaux ou dans ses interviews, le jeune rappeur du 91 déclare régulièrement que si le rap ne le rémunère pas assez, il arrêtera, tout simplement. Certains vont certainement tiquer devant cette vision purement financière vis-à-vis du rap, mais ça a le mérite d’être clair et honnête.
Pareil pour PNL : « Marre d’rapper ça m’fait chier, j’arrête bientôt si y’a pas l’biff” lâche Ademo dans le morceau Lion. Vu comment ils ont fait le buzz lors de la sortie du clip d’À l’ammoniaque (9 millions de vues en 24h), pour le moment, en ce qui concerne une possible fin de carrière, on ne se fait pas trop de soucis pour eux.
Ceux qui ont arrêté le rap mais qui reviennent pour faire des concerts
Nombreux sont les rappeurs qui ont explosé à la fin des années 90, et qui n’ont jamais su rebondir après avec de nouveaux albums. Alors, plutôt que de tenter le pari risqué d’un comeback qui pourrait potentiellement se transformer en bad buzz en cas d’échec (coucou Doc Gynéco), la plupart d’entre eux préfèrent faire des tournée. Et histoire d’être sûr que les gens viennent les voir, ils préfèrent souvent se regrouper à plusieurs : ce fût le cas l’année dernière pour la tournée de L’âge d’or du rap français, qui réunissait sur scène Assassin, Ministère A.M.E.R., les Neg’Marrons, Les Sages Poètes de la Rue, Busta Flex… Cette année, c’est le Secteur Ä qui s’y est mis, eux qui ont réuni sur scène le Ministère A.M.E.R., Arsenik, les Neg’Marrons ou encore Pit Baccardi. Avec a priori moins de succès que la tournée de l’âge d’or, puisque les concerts de Toulouse, Marseille et Lyon ont été annulés sans explication, ce qui a provoqué l’ire de certains spectateurs. Parce qu’ils n’avaient pas vendu assez de places ? Probablement.
Quand je vois le nombre de ventes de 1000% pic.twitter.com/BtHwl7TkYw
— Doc Gyneco (@doc_gyneco) May 4, 2018
Ceux qui se lancent dans des business parallèles
Parce qu’il n’y a pas que le rap dans la vie, nombreux sont ceux qui se lancent dans diverses activités en parallèle du rap, histoire de diversifier les sources de revenus, de prévoir le coup lorsque le rap ne paiera plus autant qu’avant, ou pour tout simplement se faire plaisir. Le premier réflexe des rappeurs est de lancer leur propre marque de vêtement : de Booba avec Unküt à Jul avec D’or et de platine, en passant par Damso avec Rosemark, ils sont très nombreux à avoir lancer leur propre marque de textile. L’autre boulot annexe très prisé des rappeurs est celui de producteur : du 92i de Booba à Seine Zoo de Nekfeu, ils sont également nombreux à avoir créé leur propre label afin de développer la carrière d’autres artistes.
Parmi les métiers transversaux préférés des rappeurs, on trouve aussi le cinéma, dont Joey Starr, Nekfeu, Kaaris et Sadek sont les figure de proue lorsqu’il s’agit de jouer devant la caméra, et dont Orelsan, Akhenaton ou Abd Al Malik ont démontré un certain talent lorsqu’ils se retrouvaient dans la peau du réalisateur.
Ensuite, vient une ribambelle de business plus ou moins farfelus selon les goûts de chacun : le matériel pour fumer de la weed de Caballero et JeanJass, le salon de coiffure de Sadek, le bar de Seth Gueko en Thaïlande, le salon de tatouage de Sinik, la BD de Maitre Gims, les romans de MC Jean Gab’1 et Disiz, le restaurant de tacos de Mokobé, le parfum de Kalash Criminel, la boîte de nuit de Lacrim…
https://www.instagram.com/p/Bje8Osxlr26/?hl=fr&taken-by=sinik_officiel
Celui qui a dit “J’arrêterai quand il le faut, je ne ferais pas l’album de trop”, mais qui n’a pas tenu sa promesse
Booba avec Trône. Parce qu’il était temps que quelqu’un le dise.
(Crédit photo: RapR&B)