Babarr, la réussite ou la mort
21 janvier 2020
Triple Sept
Jeune artiste en développement et première figure du nouveau label “Noviceland”, Babarr s’est fait connaître il y a quelques années depuis sa cellule de prison. Ses freestyles tournés derrière les barreaux ont rapidement reçu un très bon accueil du monde extérieur et ont rapidement été partagé par Lacrim et d’autres gros noms de l’industrie en place. C’est ce qui l’a conduit à plonger dans le monde de la musique à sa sortie de prison pour éviter de retomber dans les vices de la rue. Sa deuxième mixtape “Mort ou Vif” sortie il y a quelques semaines symbolise le fait, qu’à partir de maintenant plus rien ne l’arrêtera dans sa volonté de s’en sortir.
Tu t’es fait connaître à travers des freestyle filmés depuis ta cellule en 2016, qu’est ce que tu faisais là bas ?
J’ai fait des bêtises, j’ai dû en payer les conséquences.
Ça s’est passé comment le tournage dans la prison ? T’as eu des retours de la part des matons ou de l’institution pénitentiaire ?
Tout le monde était au courant ouais, mais j’ai jamais eu de problème avec ça. Après j’ai vraiment attendu la fin de ma peine pour me permettre de faire ça. Le plus drôle c’est que des enfants des matons montraient mes freestyles à leur parents.
“J’ai fait de la sonpri la daronne est malheureuse”
Comment ça se passe quand tu es jeune, que tu as toute la vie devant toi et qu’on t’enferme pour plusieurs années ?
Tu veux savoir la vérité ? Ça fait mal. Comme on dit, on apprend de ses erreurs et il faut assumer dans la vie quand tu choisis la facilité. Après moi, c’est arrivé tôt mais c’est aussi ce qui fait ma force, ça m’a forgé le caractère, le mental. Certes le début de ma majorité je l’ai fait en prison, jusqu’à mes 23 ans, mais je suis pas mort, je suis en bonne santé et maintenant je fais de la musique.
Justement ta mixtape s’appelle “Mort ou Vif”, c’est pour symboliser que cette fois on ne pourra plus t’arrêter ?
Ouais, maintenant il n’y a que la mort qui peut m’arrêter.
J’avais pas vu la clé de sol tatouée sur ton visage en regardant tes clips, c’est pour te rappeler pourquoi tu fais tout ça ?
Que de la musique ouais, le reste c’est fini.
“Problème d’autorité, depuis la minorité”
Et tu faisais quoi avant de rentrer ?
Moi j’ai voulu apprendre un métier vite, dans la plomberie, mais ça été difficile, j’ai pas tenu mon CAP, après je suis tombé dans le trafic de stup à Montreuil. J’étais pas concentré sur les études. Je vais pas dire que je suis bête, j’ai une certaine science comme tout le monde, mais les études c’était pas trop mon délire.
Ça fait quoi de toucher le monde extérieur avec sa musique quand on est enfermé ?
Ça fait peur, dans ta tête tu crois que t’es prêt, que t’as fait le buzz. Mais en fait la musique c’est un milieu de requins, de personnes vicieuses. Les gens ils vont vouloir prendre leurs intérêts, te voir comme un diamant à polir, et toi quand tu es jeune et tu sors dehors, tu fais confiance à tout le monde donc tu peux facilement te faire baiser. Il faut être bien entouré, avoir une bonne équipe.
Qu’est ce qu’il s’est passé à la sortie ?
On est venu me chercher directement, les contrats je les ai pas accepté pour autant, il y avait beaucoup de monde d’intéressés. Je vais pas citer des blazes, mais y’a des personnes qui m’aident énormément dans ma carrière depuis ce moment.
Tu as signé ta première mixtape les “7 Péchés Kapitaux” chez Universal, c’est des textes que t’avais écrit en prison ?
Nan pas du tout, c’était que du neuf. Après je vais pas te mentir, j’ai réutilisé des punchlines que j’avais écrites en prison, c’est la base.
Comment ça s’est passé la découverte du monde professionnel de la musique ?
C’est une bonne expérience, ça m’a fait prendre en maturité. Maintenant je vois plus large dans le monde de la musique, parce que c’est devenu un business. J’ai surtout appris que fallait réussir à mélanger l’artistique au business.
T’en penses quoi de ce projet aujourd’hui ?
C’est un projet, que j’ai fait parce qu’il fallait le faire, mais j’ai plus trop envie de le défendre aujourd’hui, j’ai tourné la page.
Maintenant tu es une des premières figures de Noviceland, est ce que tu peux m’en parler un peu ?
C’est plus une collaboration. J’étais connecté avec eux depuis très longtemps. C’est un nouveau projet de Farid Bourimech, l’associé de Mehdi de Therapy à l’époque, qui a créé son label et qui fait de la production pour des clips de Niro, moi même et pas mal d’autres artistes.
Du coup il produit entièrement le projet?
C’est plus au niveau de la direction artistique qu’il intervient. Je lui demande beaucoup de conseils pour les morceaux ou les clips, parce qu’il a une certaine science et il est bon dans ce qu’il fait.
Ça change quoi pour toi, dans ton travail, d’être entouré par des professionnels ?
Ça donne une confiance en soi, c’est clair. C’est un plus que j’ai la chance d’avoir, j’en suis conscient. Mais rien n’est acquis sur Terre, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers, il faut que je me batte encore pour progresser et me surpasser.
Quand on lit les commentaires de tes clips, on voit qu’on te compare beaucoup à Kaaris, qu’est ce que ça te fais ?
Franchement ça me frustre pas du tout, après je le respecte beaucoup pour ce qu’il a fait. Il a envoyé Or Noir, qui pour moi est un des meilleurs projets de la musique française. Après ils peuvent me comparer à n’importe qui, c’est à moi de me démarquer, tout en gardant le respect pour eux.
T’écoutes quoi en ce moment ? C’est quoi les artistes qui ont fait que tu t’intéresse à la musique aujourd’hui ?
J’écoute de tout, c’est la base. Quand j’étais petit c’était Michael Jackson, je regardais tous ses clips à la télé. Après il y a eu les rappeurs américains, Fifty, 2Pac, Biggy, même Bob Marley. Alpha Blondy aussi, une chanteur Ivoirien qui dénoncent beaucoup la politique de là bas que j’aime beaucoup. J’écoute aussi de la musique brésilienne, ou pakistanaise, des chanteurs de Bollywood. J’aime aussi beaucoup la variété française comme Balavoine, France Gall, Claude François, Renaud, Serge Gainsbourg. T’as vu le Top50 qui passe à la télé ? Bah voilà !
Dans le début du projet, tu dis que plus jeune tu voulais “la vie de rêve” ? Ça se représentait comment pour toi ?
La vie de rêve c’était une villa dans chaque continent, deux trois voitures dans chaque villa et des comptes en banques bien garnis. Me préoccuper de rien à part mon bien être à moi et celui de mes proches. C’est tout. Après dans la vie, on a jamais ce qu’on veut.
Et t’en penses quoi maintenant ?
Franchement, cette vision de la vie de rêve, elle a changée, mais elle est toujours au fond de moi. Il faut se battre, il y a toujours pire que toi. Mais si tu regarde dans ce sens tu vas jamais avancer, c’est triste de dire ça mais il faut être meilleur que ton prochain. Après quand t’es bien, tu peux te permettre d’aider des personnes. Mais d’abord, aide toi toi même et après tu pourras le faire.
“Pour les circonstances atténuante c’est pas la folie mais la zermi”
Il se passe beaucoup de triste actualité dans l’Est de Paris depuis quelques temps, comment tu vois ça ?
Franchement cette génération qui arrive, c’est un sujet que j’ai pas trop envie de le partager avec toi, parce que ça reste de la politique. Ecoutez ma musique, je donne beaucoup de conseil dans mes morceaux.
Tu es très peu entouré dans ce projet, à part sur le morceau Gang, est-ce que tu peux m’en parler un peu ?
AK, qui vient de paname, ça fait longtemps qu’il rappe. On a une très bonne entente. On s’est rencontré par le biais de Farid, moi ça me tenait à coeur de l’inviter sur mon projet avec TH, un petit jeune qui vient de Bondy, qui est comme un petit frère. On a fait beaucoup de morceaux ensemble. Le morceau “Gang” c’était pour introduire ceux qui allait m’entourer prochainement.
Il y a d’autres personnes qui m’entourent, mais on va dire que je les préserve pour d’autres projet, plus sérieux.
C’était important d’arriver seul ?
Ouais, carrément. Je voulais pas cramer des cartes pour rien, si tu fais un feat, il faut qu’il soit stratégique et intelligemment fait, qu’il serve aux deux artistes.
J’ai vu que dans une interview pour Mouv que dans 10 ans tu te voyais au cinéma, C’est un truc qui te parle vraiment ? Le rap, c’est pas forcément une fin mais un tremplin pour toi ?
Exactement ! Le cinéma ça a toujours été un rêve de gosse, après je sais que sur Terre rien est impossible. Pour le moment je me concentre sur les ⅔ projets que je vais envoyer dans la musique, assez rapidement. Et après on va aller tester le cinéma.
Je vais pas te mentir, je sais que j’ai des atouts dans la musique mais pas que, j’ai déjà parlé avec des réalisateurs comme Luc Besson, je sais que j’ai un potentiel à exploiter. Je suis quelqu’un d’assez émotif, sous cette grosse carapace, j’ai un petit coeur. Je reste un humain, j’ai eu une éducation, j’ai une mère et une famille que j’aime. Dans la rue y’a beaucoup de facettes de ta personnalité que tu peux pas montrer, tu ne peux montrer que tes crocs, parce que si tu montres ton coeur, les gens ils vont te le dévorer. Le but c’est de montrer qu’on peut être bon dans d’autres domaines, et pas que ceux de racailles, comme le rap. C’est la plus belle histoire de montrer que tu as réussi à te sortir de ta banlieue en rendant fier ton quartier et ta famille. Tout est possible.
Photos et interview: Le Triple Sept