On a rencontré les Migos bruxellois – Check

On a rencontré les Migos bruxellois

12 avril 2018

Thomas Haulotte

Plus de temps au studio, c’est moins de temps au cachot”, une seule punch pour résumer la philosophie du 9ZERO#. Un groupe de jeunes rappeurs de Jette (nord ouest de Bruxelles) qui rêvent de devenir les nouvelles stars de la Trap. Rencontre au cœur de leur quartier.

Fin de journée, Place Cardinal Mercier, Jette. J’appelle Rony. “Ah vous êtes déjà là ? J’arrive”. Au loin, je reconnais DKN. “C’est vous pour l’interview? Ils sont posés au parking, suivez-moi”. Rony nous y attend avec son pote Mouss dans une vieille polo bleu “désolé les gars, c’est un peu bendo”. Ca fera l’affaire !

On se check, on fait connaissance. Je leur demande où est passé le troisième. “Ah ouais Tony, faut que je l’appelle” me dit Rony. Spoiler alert: il ne viendra pas. Moi qui voulait titrer l’article “On a rencontré les Migos de Jette”, ça me fait une belle jambe. (Ndlr: le rédac chef a finalement insisté pour qu’on garde quand même le titre).

Montée en puissance

C’est l’histoire de trois jeunes, Rony, DKN et Tony (l’absent) qui ont grandi à Jette et se côtoient depuis l’école primaire. Ils commence le rap très tôt. “Dès 12 ans. Des textes vite fait. Mais on s’est directement mis une concurrence entre nous, ça nous a poussé vers le haut”. Les années passent, chacun fait son bout de chemin, jusqu’en 2016. Cette année-là, le 9ZERO# voit le jour. “C’est pour le code postal surtout, 1090. Et le 0.9 sur la balance ! Puis le carré c’est les dièses, les bails.”

On a eu des projets chacun de son côté. A un moment, on est arrivé à un stade assez évolué pour taper ça. On traîne toujours ensemble donc les idées fusent, les 3 éléments du groupe sont compatibles. Et on essaye toujours de surpasser l’autre, c’est bénéfique.”

Petit à petit, le groupe se fait une certaine réputation dans le ter-ter bruxellois. Ça freestyle dans toute la ville, ça lâche des vidéos au smartphone sur facebook. Et un jour, le premier clip T’as les loves sort sur YouTube. Le buzz prend, 70 000 vues. “Ça devait même pas sortir” m’avoue DKN. “On était pas encore à fond dans la musique à ce moment-là.

Rony enchaîne: “A la base j’ai fait le refrain au studio, en freestyle. Puis DKN vient me voir le soir même et me dit que c’est très chaud, qu’il faut clipper ça. On l’a fait et les gens ont suivi, on ne s’y attendait pas vraiment.”




De là, d’autres clips sortent. Dans Mon Jeans (“Billets violets verts, faut les faires, ma beuher te fais trop d’effets”),  On vit (“Je saute les barrières comme à la STIB, en manque de pesos jamais en manque de sticks”),  Nine (“Perdre son temps pour des bitchs mauvaise idée,  je préfère le tieks et mailler”) ou encore Splash Splash (“j’porte du gucci été comme hiver, gucci du bonnet à la paire”)

S’en suit une mixtape, 90 degrés. “C’était une sorte de découverte de nous-mêmes. On a eu des bons retours mais on était pas totalement satisfait, il y a un truc qui manquait. En ce moment on analyse ce qui se fait, on apprend à se connaître mieux. On va revenir plus fort

Le quartier avant tout

L’ambiance est cool mais malgré tout, je sens le groupe nerveux, c’est parfois un peu compliqué de les faire parler. J’en parle à DKN. “Tu sais, moi je rappe au quartier, je m’occupe pas du reste. J’attend juste le jour où on me dit que j’ai percé, que les billets rentrent. Au bloc c’est chaud parfois, les flics viennent nous casser les c****** mais le rap permet de m’évader un peu. Plus de temps au studio, c’est moins de temps passé au cachot ! (rires). Tu rigoles mais à partir du moment où tu t’affirmes rappeur, tu dois assumer. Tu as une image à entretenir. Les petits qui viennent me demander une photo au quartier, je dois leur montrer l’exemple. Il faut pas faire le con”.

Compris. Du coup j’arrive à LA question, je l’attendais, je sens qu’elle va débloquer les choses. Les gars, c’est quoi la trap à Bruxelles ? (éclats de rires) Bingo. “La trap mon gars ! La trap c’est les dièses, c’est les trucs qui se font en soum ! Y’a trop de gens dans la trap(pe). C’est pleins de choses en même temps, on aime bien ce délire. On représente Bruxelles. Ce qu’il se passe ici, ça peut très bien se passer dans un autre quartier. Y’a rien de spécial, tout le monde est dans la rue.” explique Rony.

Mouss, dont j’avais oublié la présence, sort de sa def pour intervenir: “Ils ont le rap dans le sang ! Avant c’était pour le plaisir, mais maintenant ils veulent arracher la piste. Mais ils feront jamais les stars avec nous. Ici c’est pareil, ils font ça pour eux. Ils ont fait un studio dans un box de garage et ils sont toujours fourrés là-bas. Toujours occupé à rapper. Ça va faire 45 minutes qu’on est ensemble, normalement ils auraient déjà dû faire 2-3 freestyles !(rires)

Il a raison. Kicker au quartier c’est notre base, mais on voit que des opportunités se présentent. Pourquoi ne pas les prendre ?” Il s’arrête. “Regarde là-bas, c’est la favela. C’est là qu’on a tourné Dans Mon Jeans, et qu’on passe tout notre temps. Et là-bas, c’est l’omnisport. J’y jouait au basket avec des potes. Et j’étais doué ! Mais quelqu’un l’a brûlé… J’ai arrêté. Ils viennent de le refaire, faudrait que j’y passe.

Voilà la réalité de ce quartier qu’ils aiment et représentent avec fierté. Une voiture klaxonne au loin “wesh le 9 ZERO ! Bien ou quoi?”. Le quartier paraît tout aussi est fier d’eux. Et c’est sans doute l’essence même du groupe.

PS: J’ai reçu des nouvelles de Tony:

Un peu tard mais il y est arrivé. Je le rencontrerai quelques jours plus tard pour le shooting, il m’avouera que c’était  « un bourbier”. Il mérite malgré tout une place dans l’article.

Crédits photos: TH